Jadis, j’étais une fille de ville. Comment dire, l’énergie
que celle-ci me procurait était croissante, tel une sorte d’effervescence qui
ne cessait à l’aller et venue de ma personne
dans les rues de la ville. Vous savez, ce
genre de symbiose avec le café à 2,75$ que tu prends le temps de siroter tel
une boisson sainte à deux pas de ta sonnette d’appart. La ville sous tous ses
klaxons, avec ces gens bizarres qu’on
croise souvent mais à qui on ne parle jamais. On aime bien s’imaginer, qu’il
est le cassier de la caisse pop, ou le préposé aux pointes de pizza d’à côté.
Puis on avance dans la vingtaine et on se rend compte, qu’au
fond, on redevient nostalgique de notre enfance, où on attendait que les petits
oiseaux au levé et peut-être, pour compléter l’ambiance, avec une odeur de gazon tondu d’la veille au
nez. On s’rend compte, qu’au fond, c’était peut-être et probablement, juste un
trip, la ville. Bon, ok, un trip qui a duré une douzaine d’années, mais quand
même un trip.
On entend souvent parler de la crise de la quarantaine,
certes. Mais la crise de la trentaine, elle, en avez-vous déjà entendu parler?
Elle se manifeste chez certaine personne, parfois à la fin vingtaine (jusqu’à
la mi trentaine, imaginez). Bon, j’ignore s’il s’agit de cas scientifiques
prouvés en labo, mais je l’ai personnellement observé dans mon entourage :
besoin de changement, élan de confiance, but qui est tout à coup très clair et
moyens concrets que tu prendras pour obtenir tout ce dont tu rêves depuis
toujours…Ou depuis quelques matins!..
Après le trip de ville, de bars, de soirées arrosées que tu
ne saurais énumérer, tout est maintenant clair. La direction sera, à partir de maintenant, tout autre. Fini le
transport en commun, la tournée des grands ducs, les «cover charges», les
oreilles qui bourdonnent à côté des caisses de son, les rencontres par rapport
et les jasettes nocturnes dans un resto ouvert 24h à 4h du matin. Attention, je
ne méprise pas ceux et celles qui ont ce style de vie, puisque j’ai adoré ce
dernier, à certaines époques, plus que tout autre style de vie.
J’opte asteure pour le chant du coq plutôt que la sirène de
police au réveil. Ok, certains gens doutent de mon choix qui
est celui de vivre dans l’bois et prétendent que je me lacerai rapidement de ce
style de vie : ils ne comprennent quedal…Aie, (!!) j’ai tu
l’droit d’vieillir un peu moi aussi!
Oui, j’préfère asteure les cafés bio où ça sent les épices,
avec des toiles fuckées au mur, où ils servent d’la bière québécoise à cinq
piastres la pinte, plutôt que les lounges ultra branchés électro où les
variétés de cosmopolitains se résument à des noms de villes américaines et qu’
après 3 gorgées, ça t’a coûté vingt piastres (incluant le cover charge et
l’extra olive à 2$), et ce, tout en humant les odeurs de parfum à la mode des
gens de la place qui se croient à la mode. Bon, ok, c’est peut-être moi qui es
out, mais je préfère sauter ce détail urbain.
J’suis pas rendu une «grano» finie pour autant : j’me nourris
encore avec des produits animaliers, j’bois encore de la liqueur en mangeant du
pop-corn et il m’arrive aussi de manger du pain blanc. En plus, j’suis plus
obligé de courir les jardins communautaires pour me faire pousser des tomates! Et
que dire du fait que j’remplace l’odeur des égouts par celle des nombreux épinettes.
Bon, ok, les camions à vidanges passent pas souvent dans
l’coin, mais c’pas grave, on a trois grosses poubelles au lieu d’une. J’m’ennuyais
des vraies friperies, où tu vas payer trois piastres pour un jeans à peine usé,
pas vingt-cinq!! (surtout dans une boutique qui ''s’alimente'' au Village des
Valeurs)! Et non, j’suis pas le genre de
fille qui a juste des pulls de laine dans son garde-robe. J’en ai à peine deux. Ou trois. Je n’ai pas quitté la ville pour la banlieue,
ni la campagne. Je l’ai quitté pour vivre dans l’bois et je l’assume! Là où il
n’y a que vous et que la plupart de vos
lointains voisins sont présent s une dizaine de fois par année, à leur
chalet. Là où l’eau du robinet ne goûte pas l’eau d’la piscine. Vous me direz que tous les gens du village à
part celui du dernier rang savent que j’viens d’Québec, pi que j’en avais marre
de la ville, et que c’est pour ça qu’suis rendue ici? Ouin, mais eux autres, au
moins, ils n’arrêtent pas de me répéter : « tu vas voir, tu vas aimer
ça icitte! »
Le pire dans toute cette histoire de coin perdu, c’est que
ces joviaux habitants ne me connaissent
même pas, mais ils ont tellement
raison!...
*Ci-haut à gauche, une photo que j'ai prise de notre Bernache sauvage apprivoisée, la ''mascotte'' de la place, affectueusement appelée Saturnin. Elle a fait du domaine sa demeure permanente, et même lorsqu'une volée de bernaches se posent sur le lac, elle se joint à eux une quinzaine de minutes et revient en ses lieux après avoir passé un peu de temps avec les siens sur l'eau. Ses meilleurs amis sur la fermette sont la petite chèvre blanche et le ''terrible'' mouflon (on l'appelle non affectueusement - Ze Bouc!).